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Drôles de zèbres : HP-HQI en entreprises … le gâchis ?

couteau-suisseLes « HP » – (Hauts potentiels – Hauts QI – Hypertoniques Psychiques – dit également : « zèbres », et à tort, « surdoués » …) rencontrent souvent des difficultés dans leur vie professionnelle.

Incompréhensions mutuelles, décalages de priorités et de modes de fonctionnements : Leurs spécificités – modalités de fonctionnement de leur pensée, du « moteur de l’affect », la structuration de leur organisation personnelle, l’équilibre de leurs valeurs- génèrent certes des atouts … mais qui peuvent se transformer en freins pour l’exercice de leurs missions et dans leurs modes de fonctionnement managériaux et relationnels.

Bien que partagé par 2 à 5 % de la population, ce type de fonctionnement de la psyché est mal connu, et donc peu reconnu : Les personnes concernées sont ainsi dotées d’atouts susceptibles d’en faire des collaborateurs précieux et des managers « globaux », mais leur fonctionnement spécifique crée inévitablement des décalages dans la perception, le traitement des situations, les modes relationnels. Les conséquences de ces décalages sont amplifiées par la méconnaissance des caractéristiques de ce fonctionnement tant par les personnes concernées elles-mêmes, que par leur environnement familial ou professionnel.

Ci-dessous quelques une de leurs caractéristiques, dont la connaissance est nécessaire pour la compréhension de leurs différences et des difficultés qu’ils rencontrent.

  • Pensée en arborescence, (les idées et la réflexion fonctionnent par divergence, d’où le terme « pensée divergente » parfois employé).
  • Apprentissage et compréhension par association (circulaire) plutôt que par juxtaposition, (linéaire) : de ce fait, la surabondance d’informations créée un problème de stockage et de structuration de la pensée (beaucoup d’idées mais en vrac)
  • Ceci explique que la mémoire est activée différemment . La « mémoire  immédiate et à court terme » est très efficace, mais la pensée en arborescence génère une difficulté à apprendre « par cœur », et la « mémoire durable » fonctionne surtout après avoir acquis une compréhension plus globale et – ou une expérience conscientisée.
  • Expression spontanée « urgente », rapide et « sinueuse » de cette pensée et de ces associations,
    (le flux permanent et souvent débordant d’informations et de pensées prendra du temps à synthétiser, et s’il n’y a pas prise de note, le fil peut être « perdu » : de ce fait , pour se sentir compris, il y a un besoin d’exprimer ce flux au fur et à mesure de son élaboration)
  • Perception globalisante plutôt que focalisée, mais attention sur des points de détail souvent différents de ceux perçus, priorisés ou rejetés par les autres.
  • Rationalisation et justification technique ou conceptuelle des choix et opinions, mais prédominance du « moteur de l’affect » dans les priorisations et les choix,
  • Compréhension souvent systémique des choses, créant des réflexions et réactions parfois judicieuses dans un cadre de recherche d’un équilibre général, mais parfois décalées dans les systèmes plutôt « mono-centrés »
  • Intuition et imagination génèrent de la créativité : Solutions envisagées peuvent être créatives, mais les initiatives parfois décalées par rapport aux habitus du système dont ils font partie.
  • La concentration demande des efforts et parfois un isolement total car la distraction par un élément plus « stimulant » est toujours à craindre. Elle s’acquiert par l’expérience et une bonne connaissance de soi pour savoir comment y accéder.
  • La persévérance s’acquiert avec le temps. De leur facilité d’apprentissage et de l’acquisition rapide peut tout d’abord découler une « fainéantise » naturelle face à l’effort. Par la suite, plutôt que de persévérance, on pourra plutôt évoquer une grande énergie et de l’assiduité déployées quand à la mise en place de moyens pour accéder à la « fin » qui leur fait sens.
    Dans ces moments, l’action en cours, le temps présent a une importance toute relative, et la visée se fixe sur le but final. D’où une succession de maladresses, verbales ou gestuelles, souvent mal perçues ou dénigrées par les autres.
  • Tout ceci n’est que la partie immergée de l’iceberg : Il est difficile de faire la part des choses entre le côté purement professionnel et l’affect, sachant que chez ces personnes, ces deux registres s’interpénètrent.
  • Le relationnel : En plus de subir leur propre flot permanent d’affect et d’émotions (rarement conscients) ils sont impactés par ceux des autres et de leur environnement, qu’ils captent comme des éponges. Leur sensibilité est ainsi exacerbée, mais très rarement comprise. Ceci les amène souvent à une quête de solitude ou d’un entourage dépourvus de névroses (rare).

Ces caractéristiques sont sources de décalages, eux-mêmes générateurs de difficultés :

  1.  Leur potentielle créativité, et leur envie que les choses avancent au mieux, les amènent à prendre des initiatives qui peuvent parfois déborder les limites : de leur fonction, des habitudes ou attitudes du cadre social ou professionnel dans lequel elles évoluent.
  2.  Bien qu’ils visent souvent un objectif de solutions concrètes sur les situations réelles, leurs argumentations passent par des tentatives d’explication « en association », ce qui passe par des « divergences » (leur mode de pensée) , c’est-à-dire des nombreuses parenthèses et digressions, alourdissant leur propos, qui paraissent donc inutiles aux personnes à pensée linéaire et convergente, mais que les HP estiment nécessaires à la compréhension globale.
  3. Non détectées, et non informées de leur différence, ces personnes projettent que l’ensemble de la population a le même mode de fonctionnement, et cherchent donc à communiquer au mieux de leur propre fonctionnement : ce qui amplifie le décalage !
  4.  Ayant compris par associations, elles ont donc acquis une vision plus large. Ayant alors envisagé des solutions de manière systémique et holistique, (dans la limite de leurs connaissances et critères, bien sûr) leur besoin de précision les amène à avoir beaucoup de difficultés à être concis : contrairement à ceux dont la concision est facilitée par leur vison focalisée, ou « mono-registre », pour ces personnes, la concision résulte d’une forte contraction de multiples éléments épars, d’une autodiscipline dans la communication, ce qui leur demande beaucoup de temps et d’efforts.
  5. Leur souci de la tâche bien effectuée et des équilibres respectés entre les divers domaines qu’ils ont associé dans leur pensée, peuvent conduire à une gestion du temps, à un mode d’organisation et de priorisation mal compris des autres.
  6. Leur vision et leur décision « par association » les amènent à vouloir convaincre les autres sur des aspects que ces derniers n’ont pas forcément perçus, ou qui ne font pas partie de leurs priorités : Ils ne mesurent pas que leur contribution, qu’ils estiment coopérative et au service d’un meilleur équilibre général, est souvent perçue comme une opposition et une critique permanente, ou une focalisation sur des points secondaires.

Si les atouts et les potentiels de ce fonctionnement sont indéniables, on voit bien que les possibles freins ne sont pas moins problématiques : la méconnaissance de ce type de fonctionnement et de ses conséquences amplifie souvent le décalage et les difficultés de compréhension mutuelle, ce qui cause diverses conséquences relationnelles, sociales, organisationnelles…

Si l’on se réfère à la théorie de la désintégration positive de K. Dabrowski, ces « drôles de zèbres », dès le plus jeune âge habitués à se questionner, à remettre en cause les acquis et certitudes, à chercher à comprendre, vont quitter très vite le stade de l’intégration primaire »  dans lequel les certitudes et priorités ne posent ni doute ni question.

Traversant rapidement le stade de dés-intégration mono-niveau, (dans lequel les remises en cause restent entre des options de même ordre) ils mettront des années à naviguer dans les affres des stades de dés-intégration multi-niveaux, se débattant comme ils pourront entre des choix de solutions appartenant à des ordres ou niveaux différents, à des systèmes de valeurs imbriqués de manière complexe.

Ceux qui arriveront, après un long chemin, au stade de l’intégration secondaire,- stade dans lequel l’ensemble du système de pensée, de valeurs, de priorisation , est suffisamment large, holistique et systémique, étayé et conscient, pour être assumé, revendiqué, défendu-, se trouveront alors dans les difficultés relationnelles ou managériales liées au fait d’avoir à s’adresser à des personnes n’ayant ni leur fonctionnement, ni leur parcours.

Il sera particulièrement utile, comme pour tout un chacun, de développer des compétences managériales, relationnelles, organisationnelles. Mais, compte tenu de ce décalage et de ses conséquences, il reste que ces compétences ne seront que faiblement employées si elles ne s’accompagnent pas de la claire connaissance des richesses et des difficultés auxquelles ce fonctionnement spécifique expose ; de la conscience « en situation » de leur activation ; de la compréhension de la nécessité d’un ajustement aux fonctionnements autres, et des moyens les plus judicieux de cet ajustement.

En effet, étant minoritaires, il est nécessaire pour les individus concernés de s’ajuster aux modalités de fonctionnement des systèmes auxquels ils appartiennent et aux modalités relationnelles et de fonctionnement de leurs hiérarchiques, collègues, collaborateurs…

Pour autant, leur fonctionnement de base étant différent, et « irréversible », cet ajustement doit se faire, non pas au détriment de leurs particularités, mais grâce et avec celles-ci.

Ce n’est qu’en prenant conscience qu’elle est concernée que la personne peut mesurer ses atouts et freins potentiels liés à ce fonctionnement, et en tirer à la fois compréhension de difficultés rencontrées par le passé, et perspectives d’ajustement pour le futur.

La progression des personnes concernées dans leurs environnements divers sera liée à leurs propres ajustements et acquisitions de nouvelles compétences et attitudes, mais aussi à la perception et la compréhension par leur hiérarchie, collègues, collaborateurs, de cette différence et de ces conséquences. Il peut donc  s’avérer très utile d’en décoder les atouts et freins auprès de ceux-ci.

Cela n’exclut évidemment en aucun cas l’intérêt, voire la nécessité de développer de nouvelles compétences –relationnelles, managériales , organisationelles …- et de nouvelles attitudes.

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