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Sursaut politique : Nouveau ou dernier souffle ?

Le souffle du nordAprès les résultats « choc » des élections régionales françaises de décembre 2015, qui confirment la montée régulière du parti qui surfe le mieux sur la vague du mécontentement, que faut-il penser des déclarations quelques hommes politiques  nous assurant de leur résolution de changer leur manière de faire de la politique ?

On peut bien sûr les féliciter de cette prise de conscience, mais aussi se demander pourquoi elle est aussi tardive : Il y a quand même eu le coup de semonce d’avril 2002, et combien d’autres avertissements depuis !

« C’est notre dernière chance  »  conclut Xavier Bertrand après son élection comme Président de la Nouvelle région Nord / Pas-de-Calais / Picardie  : Il se pourrait en effet que ce sursaut, qui ne manque pas de souffle, ne signe, s’il n’est pas suivi d’effets, un des derniers d’une cinquième république essoufflée, voire d’une démocratie bien mal en point sous les coups de boutoir de l’état d’urgence d’un Etat qui se trompe clairement d’urgences !

Faut-il voir dans ces annonces la prise de conscience que le mur se rapproche à grande vitesse, doublée de celle que le véhicule est devenu fou, et une réelle envie d’impulser enfin une autre direction ? Ou l’effet d’un sens politique « de terrain » qui commande de préserver ses ambitions futures en se démarquant des lignes partisanes qu’on sait faire indirectement le jeu des partis populistes ?

Parce que cela fait bien longtemps que ce qui se passe dans les urnes est prévisible,  et que la classe politique ainsi que les médias en sont largement responsables, je ne résiste pas à ressortir des tablettes quelques extraits de mon ouvrage « La Démocratie Mal-consciente » -écrit en … 1991 ! (Avoir raison trop tôt est une erreur politique, mais peut au moins devenir une compensation pour l’ego !)

En parlant d’ego, parce que je sais qu’une prise de conscience suppose quelques conditions annexes  pour pouvoir dépasser le stade de la « bonne résolution », ce sera aussi l’occasion  d’en évoquer quelques unes.  Puissent-elles être utiles à leur réflexion si par un improbable  hasard ces lignes parvenaient sous les yeux de militants, voire d’élus porteurs de ces bonnes intentions.

Voici donc ce que j’écrivais en 1991 :

« (…) Cette attitude provoque fatalement chez l’électeur non averti diverses réactions négatives vis à vis de la vie politique et des partis.

La montée des corporatismes et de l’individualisme risque de subordonner l’obtention d’une majorité à des promesses que l’on sait vaines et irréalisables, mais que l’on répand sans vergogne tout en attisant les mécontentements envers le camp qui est au pouvoir et les aspirations à l’avoir plus.

A ce petit jeu, la seule majorité qui risque de se dégager sera celle, au mieux des abstentionnistes, au pire celle des partisans d’un ordre fort, emmenés par un leader démagogue incarnant les vertus traditionnelles et les valeurs sûres de la nation.

A cet égard encore ceux qui ne se penchent pas sur l’histoire risquent fort de la voir se pencher sur eux … Faudra-t’il alors accepter selon les principes de la démocratie “ces tendances qui se révèlent avec plus de force parce que ralliant un plus grand nombre de partisans ou soutenues au départ par des gens à convictions plus ardentes”.

(… )
QUID DE LA “VOX POPULI”?

Dès lors quel moyen reste-t’il au citoyen pour se faire entendre:

• La résignation: D’où la fabuleuse ascension du parti des pêcheurs à la ligne”.

• La marginalité, réaction ultime de ceux qui se sentent exclus, ce sous une de ses multiples formes: art, retour à la terre, appartenance à une secte ou à une bande, mysticisme exacerbé, délinquance.  (Et j’ajouterai aujourd’hui : Terrorisme …)

• L’individualisme: La montée des corporatismes, des nationalismes ou des extrémismes de tous poils n’est que la résultante d’une recherche d’affirmation de l’identité et du droit à l’existence, face à des systèmes, des institutions, des organisations économiques politiques ou sociales qui tendent à uniformiser cette identité.

L’expression des aspirations est ainsi devenue le cri de ceux qui espèrent.

Malheureusement; la capacité à prendre en compte les réalités économiques, techniques, sociales ou culturelles qui dépassent la sphère de 1’ organisation ou de la corporation à laquelle l’individu appartient est trop souvent inversement proportionnelle à la force de ce cri … »

Nous en sommes là !

Je concluais :

« Messieurs les politiciens, la qualité de la survie de votre catégorie dépend de votre capacité à vous remettre en question, à retrouver l’intérêt général, à vous mettre à la tâche en ne laissant pas vos querelles de clocher et votre intérêt personnel l’emporter sur les enjeux, à vous inter – dire, et à nous apprendre l’inter – diction… »

Décembre 2015 : Serait-il enfin arrivé le temps de la parole partagée ? De l’intelligence collective ? De la recherche en commun des solutions concrètes aux réalités vécues sur le terrain, plutôt que de la sempiternelle opposition de grandes idées et principes ? Ceux-ci sont certes louables, mais impropres à générer une mobilisation conjointe et une efficience réelle pour leur application, car portés de manière oppositionnelle plutôt que vus comme complémentaires pour un monde différent  à ré-inventer ensemble sur la base d’actions concrètes réellement efficientes.

Ce blog contient d’autres articles qui abordent sous différents angles les causes de cette impossibilité de s’entendre, voire même de s’écouter  : Au-delà de difficultés objectives de mise en œuvre (économiques, techniques, organisationnelles …) ces causes sont essentiellement de l’ordre de ce que je nomme « les complexités subjectives » : Les neuf mécanismes piégés de l’ego, l’opposition des registres de valeurs, la non prise en compte des « quadrants du subjectif » , les incontournables phases,  niveaux , vagues et lignes du développement individuel ou collectif …

Et c’est là ce qui inquiète : Malgré le constat d’échec enfin reconnu par certains, et leur désir de poser les bases d’une nouvelle façon d’agir en politique, il se trouve que ceux qui posent ce constat ne disposent probablement pas des « cartes », ni des « logiciels » nécessaires pour opérer efficacement ce retournement.

Je ne peux que ré-écrire ce que je pose inlassablement depuis vingt-cinq ans …

Il n’y aura pas d’issue durable tant que ces données de la complexité subjective ne seront pas comprises et pilotées en vue de la préservation des équilibres généraux … Malheureusement, technocrates, politiciens, dirigeants ne disposent généralement que de « cartes » des complexités visibles et objectives (déjà incommensurables !) et de plus, ils les lisent avec des lunettes « selon leur vue », et non pas globales !

Il leur faudra dans un premier temps accepter d’entendre ceux qui peuvent aider à décoder ces complexités subjectives, et alors prendre le temps de découvrir les cartes de ce vaste continent méconnu, puis de repérer les écueils qui parsèment les voies de cheminement possibles.

Pas sûr que ce premier pas soit posé : Il y aura tant d’autres choses à faire !

Ensuite, comme ces apports ne manqueront pas de déboucher sur des nécessaires remises en cause de représentations, de fonctionnements, d’attitudes, il est encore moins certain que ce cap puisse être franchi, de par la force des certitudes, des habitudes et des automatismes.

Allez, histoire de rire : Petit carte souvenir : “Il est grand temps que notre société politique contemporaine cesse de se contenter de la vie des mots. Il est grand temps qu’elle affronte la vie”. (lettre ouverte d’Alain Carignon – Maire de Grenoble, Ministre du Gouvernements Chirac et Balladur – au président de la république française (Octobre 1991) … Faut-il rappeler que cet appel, rassurant, fut celui d’un homme condamné pour corruption deux ans plus tard, qui « affronta la vie », puisqu’il passa 29 mois en prison …

La volonté de faire face ensemble aux urgences de l’époque, préalable nécessaire enfin reconnu, ne suffira pas devant l’immensité des complexités enchevêtrées, à commencer par celles, au fond de chaque acteur individuel, qui expliquent ses fonctionnements selon des scénarii répétitifs dont le tissage collectif nous a mené là où nous en sommes.

« Vivre ensemble, travailler ensemble » : La prise de conscience récente de ces nécessités, et les slogans qui s’en sont suivis ne peuvent à eux-seuls suffire, ni en entreprise, ni en politique, ni entre citoyens, à dépasser les pièges des complexités subjectives, à commencer par ceux, en nous-mêmes, des neuf mécaniques de l’ego…

Je ne suis ni pessimiste, ni optimiste : Je nomme les « réalités subjectives » qui seront les principaux obstacles qui attendent nos  politiciens « d’apparente bonne volonté ».

Il est heureux qu’ils disent enfin se donner ces défis à hauteur des enjeux de notre époque, de notre société, de notre démocratie …

Reste qu’il leur faudra aller au-delà des mots, des maux, et des egos … et c’est une autre « paire de manches » !

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